Interview du Dr Yves Réquéna paru dans le magazine Alternative santé du mois de mai 2017
Gymnastique de santé et de longévité, le qi gong est un pilier de la médecine chinoise. Cet art du corps dont le nom signifie « maîtrise de l’énergie» stimule l’immunité et a des vertus bénéfiques sur nombre d’affections comme l’hypertension, l’insomnie, le cholestérol, la sclérose en plaques et la polyarthrite rhumatoïde. Le point avec le Dr Yves Réquéna, auteur et expert en médecine chinoise. Bien que faisant de plus en plus d’adeptes en France (on compte 200 000 pratiquants environ), le qi gong est encore mal connu, surtout dans sa dimension thérapeutique.
En quoi consiste cette pratique exactement ?
Dr Yves Réquéna : Le qi gong est un art du corps qui s’exécute avec des mouvements le plus souvent lents, coordonnés avec la respiration et une forme de concentration. C’est l’équivalent chinois du yoga. Il fait partie du quotidien de millions de Chinois et constitue un pilier de la médecine chinoise aux côtes de l’acupuncture, de la phytothérapie, de la diététique, du feng shui et des massages. Toutes ces approches reposent sur les mêmes bases thérapeutiques : le système des méridiens, les cinq éléments (metal, bois, feu, eau, terre), les cinq organes (foie, coeur, rate-pancréas, poumons, rein) et la théorie du yin et du yang.
Considéré en Occident comme une sorte de gymnastique, le qi gong va cependant plus loin. Il ne se limite pas a stimuler physiquement les muscles, le coeur ou les articulations, mais joue aussi sur une dimension physiologique fondamentale: le Qi, ou «énergie». Le terme «qi gong» signifie d’ailleurs littéralement «maîtrise de l’énergie». Vieille d’environ 4000 ans, cette pratique a été élaborée par des moines taoïstes médecins pour développer leur puissance de soin. Ils ont ensuite mis au point des exercices énergétiques qu’ils prescrivaient à leurs patients dans une visée thérapeutique. Plus tard, le qi gong s’est enrichi d’influences confucianistes et bouddhistes. Il en existe aujourd’hui des centaines de variantes. Les plus connues et pratiquées, du moins chez nous, sont celles du qi gong dit interne, fondé sur des mouvements lents et le souffle.
Comment définir cette «énergie» au centre du qi gong dont vous affirmez qu’elle «soigne tout sur son passage»?
Dr’Y. R. : Qi signifie souffle, air, respirer, processus vital dynamique inhérent a tout phénomène vivant et, par extension, énergie. Le qi circule partout dans le corps humain en suivant le trajet des méridiens et de leurs ramifications. Il existe en chacun de nous différentes formes de qi : celui transmis par les parents, héréditaire, et celui acquis par la personne. Cette notion d’énergie, subtile, impalpable est étrangère aux Occidentaux. Pourtant, elle est très concrète Lorsque le qi est maîtrisé par les pratiquants d’arts martiaux, cela leur permet de projeter un adversaire a distance sans le toucher. Cela paraît difficile à croire, mais c’est pourtant vrai. Ce qi peut aussi être utilise par un thérapeute pour soigner a distance par l’intermédiaire de ses mains, directement par des massages ou encore a travers des aiguilles d’acupuncture. Ce qi particulier est alors appelé Wai Qi, ce qui signifie « énergie projetée », «extériorisée». Certains thérapeutes qi gong utilisent cette énergie projetée sur la personne. On parle alors de qi gong médical, par opposition au qi gong thérapeutique pratiqué pour soi, pour sa santé. Lors des soins de wai qi, on peut parfois sentir l’énergie pénétrer dans son corps. Cela produit une sensation de micro-courant électrique, de chaleur, de fourmillement ou encore de courant d’air.
Plusieurs expériences, notamment menées aux Etats-unis, ont montre que cette projection de qi, qui émet émet un champ magnétique très puissant, est capable, selon la volonté de celui qui l’émet, de stimuler ou d’inhiber la croissance de bactéries, de virus ou de certaines cellules cancéreuses. Ce qi gong médical se caractérise aussi par la perception intuitive du diagnostic par le thérapeute. Celui-ci peut véritablement «voir» dans le corps du patient une maladie, ou ressentir les symptômes en lui. Courante en Chine, cette pratique est plus rare ailleurs. Si elle est potentiellement capable d’effets thérapeutiques surprenants, comme la réduction de la taille d’une tumeur cancéreuse, attention cependant, elle ne fait pas de miracles. Cela n’a aucun effet durable sans une hygiène de vie globale et une pratique personnelle régulière du qi gong.
Quelles sont les indications santé du qi gong ? Reposent-elles sur des publications et études scientifiques ?
Dr Y. R. : Les indications thérapeutiques de la pratique du qi gong sont nombreuses ! Douleurs d’estomac, de règles, rhumatismes, hypertension artérielle, céphalées, maladies chroniques digestives type Crohn, hypercholestérolémie, ulcère, insomnie, maladies auto-immunes, polyarthrite rhumatoïde, perturbation de l’immunité en lien avec des facteurs émotionnels et affectifs.
La pratique régulière du qi gong est susceptible d’améliorer et de moduler ces affections, notamment en stimulant l’immunité, afin de retrouver un état de sante optimal, tout en améliorant la longévité. Le qi gong est aussi indiqué dans les cas de cancer, en complément du traitement de chimiothérapie ou de radiothérapie. ll existe une approche spécifique pour cette maladie, développée à l’origine par la Chinoise Guo Lin, et qui consiste en des marches particulières thérapeutiques, enseignées notamment a l’Institut Européen du Qi Gong que je dirige Le qi gong a fait récemment son entrée dans différents services d’oncologie, comme a l’hôpital de la Pitié-Salpêtnère, a Pans, ou encore à Grenoble.
Depuis les annees 1960, de nombreuses expérimentations sur ses effets thérapeutiques ont abouti a des publications internationales. La plupart d’entre elles proviennent de Chine, où l’on compte une centaine d’instituts effectuant des recherches dans ce domaine, d’autres sont menées aux Etats-unis et en Australie. Parmi les études notables, citons celles réalisées en 2004 en Corée. Elles montrent que la pratique du qi gong fait baisser la tension artérielle chez les sujets hypertendus, tout en augmentant le taux de bon cholestérol dans le sang. Chez les personnes âgées, elle stimule la qualité des globules blancs produits, régule le fonctionnement de la thyroide et recalcifie les os.
Comment pratiquer le qi gong ? Est-ce ouvert a tout le monde?
Dr Y. R. : Tout le monde peut pratiquer le qi gong femmes enceintes, personnes âgées, adolescents Les malades en tirent d’importants bienfaits, y compris ceux durement atteints, avec des séquelles d’infarctus ou d’accident vasculaire cérébral, souffrant de maladie chronique inflammatoire ou d’un cancer, en dépression, en burn-out… Le qi gong n’est pas difficile à pratiquer. Il n’y a pas de postures demandant un effort physique particulier, tout se passe en finesse et en subtilité. Une demi-heure par jour en moyenne suffit pour bénéficier d’un effet sur la santé. On sent des la fin de la séance une sensation de bien-être caractéristique, et les symptômes pathologiques s’améliorent avec le temps
Avec l’expérience, l’adepte est capable d’affiner ses perceptions de l’énergie circulant en lui, dont le niveau augmente. Il est préférable, voire indispensable, d’apprendre au début avec un professeur de qi gong afin d’être guidé dans l’exécution des mouvements.
Vous expliquez que le qi gong est capable de procéder à une sorte de nettoyage cellulaire et des mémoires qui y sont inscrites. Il ouvre la voie à un travail sur soi de nature spirituelle…
Dr Y. R. : Une fois en circulation dans le corps, le qi ne fait pas de sélection. En effet, il soigne tout sur son passage ! Il va agir au niveau du milieu aqueux dans lequel la cellule baigne en l’équilibrant, mais aussi au niveau de la cellule elle-même, en allant potentiellement «nettoyer» et réguler les informations inscrites au niveau des chromosomes et de l’ADN.
Plusieurs études récentes nous apprennent que des mémoires traumatiques, comme une agression sexuelle, peuvent se répercuter dans l’ADN et ainsi se transmettre génétiquement d’une génération a l’autre. Ces mémoires ont des répercussions physiologiques, psychologiques et émotionnelles globales chez l’individu. Le qi gong peut nous aider d’une certaine manière a nous en libérer. On touche là à une dimension plus profonde de cette pratique, qui offre une voie pour se dégager des conditionnements et opérer une sorte de distanciation bénéfique d’avec nos émotions. On continue à les ressentir, bien sûr, mais sans en être affecté, sans se sentir vulnérable ou victime. On devient capable d’une récupération plus rapide dans des moments de crise, pour relativiser les choses.
Pour qui est sensible a cette approche, le qi gong permet de se sentir peu a peu davantage «connecté» aux autres, à la nature, à l’univers On commence a comprendre le sens de la vie, à toucher à sa dimension sacrée et avoir envie d’élever son âme. En cela, le qi gong constitue une voie spirituelle.
Propos recueillis par Isabelle Fontaine pour le magazine Alternative santé du mois de mai 2017.
Pour consulter l’article original c’est ici 
Qi Gong 2017-05-02-alternative-sante-mai-17-10000000051260017
Médecin et diplômé inter-universitaire d’acupuncture, le Dr Yves Réquéna est l’un des grands spécialistes français de la médecine chinoise et du qi gong, dont il a contribué à faire connaître la pratiquée la fin des années 1980 dans l’Hexagone et à (‘international. Fondateur et directeur de l’Institut européen du Qi Gong près d’Aix-en-Provence, il est l’auteur de nombreux ouvrages de référence sur la médecine chinoise, traduits en plusieurs langues.
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6 juin 2017
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