Comment le traumatisme prend racine dans nos instincts ?

Publié le 6 mars 2013 par Cyrinne Ben Mamou - Dr en neurosciences, massothérapeute, fasciathérapeute

images (49)Le traumatisme est une cause de souffrance universelle et très répandue. Malheureusement, il est mal compris par ceux qui en souffrent et parfois même par ceux qui sont appelés à le soigner. Comme il est gouverné par des mécanismes biologiques inconscients et qu’il se manifeste sous forme de symptômes variables, la majorité des personnes qui sont atteintes de traumatisme l’ignorent complètement. Ce fut mon cas. J’ai compris que je souffrais de traumatisme alors que j’étais en train d’en étudier les mécanismes neurobiologiques au Département de Psychologie à l’Université McGill (2003-2008). Évidemment, j’ai entrepris une démarche personnelle pour comprendre et guérir du traumatisme. J’ai poursuivi par ailleurs mon cheminement professionnel. Désormais, je me consacre à l’étude des mécanismes biologiques et neurobiologiques du traumatisme, ainsi qu’à l’accompagnement somato-émotionnel de personnes qui en souffrent.

Avant d’aller plus loin, il est important que je définisse le sens des termes “trauma” et “traumatisme” tels que je les utilise dans mes articles :

Le terme “trauma” désigne l’événement qui se produit dans le réel et qui est perçu comme un danger. Il n’est pas nécessaire que le danger soit réel. Il peut être imaginaire. Ce qui compte, c’est la représentation interne, la perception subjective de danger. Par exemple, si un individu bien baraqué fait irruption dans votre bureau dans un état de colère, vous allez vous crisper, vous sentir menacée, alors que cet individu n’a peut-être aucune intention de vous agresser. Il se peut qu’il soit juste en colère contre la personne avec qui il vient d’avoir une conversation.

Le terme “traumatisme” désigne un stress chronique qui affecte un individu bien au-delà de l’événement (trauma) qui en est à l’origine. Ainsi, fort heureusement, tous les traumas ne deviennent pas des traumatismes. L’étude scientifique du traumatisme est relativement récente.

Comme le dit bien Peter Levine, un des experts incontestables du traumatisme : “Un trauma est une réalité de la vie, mais ce ne doit pas être une condamnation à vie”.

Chaque mois, je vous proposerai un article dans lequel j’explore un des aspects du traumatisme et des mémoires somato-émotionnelles. J’espère ainsi contribuer à une meilleure compréhension du traumatisme et de sa guérison. Je vous encourage à diffuser ces articles afin qu’un plus grand nombre de personnes puissent en bénéficier.

Comment le traumatisme prend racine dans nos instincts ?

Dès qu’il est question de stress post-traumatique, la plupart des gens pensent à une forme psychologique de stress, à un trouble mental. Pourtant, le stress du traumatisme concerne également le corps. En fait, il concerne surtout et avant tout le corps. Les états mentaux associés au traumatisme sont importants, mais ils sont secondaires parce que c’est le corps qui initie le traumatisme et c’est dans le corps qu’il se manifeste. Pour qu’un traumatisme s’installe, il faut deux conditions simultanées: l’activation de notre cerveau instinctuel en réponse à un danger et l’interruption de la réaction instinctuelle avant qu’elle ne soit complètement achevée. Le cerveau instinctuel, appelé parfois cerveau reptilien, est la partie la plus ancienne de notre système nerveux. Il commande les fonctions physiologiques de base et comme son nom l’indique, les réactions instinctuelles, c’est-à-dire les comportements impulsifs et inconscients. Les deux autres subdivisions fonctionnelles de notre cerveau sont le cerveau mammalien, dit aussi système limbique et le néocortex. Je consacrerai un article complet au rôle joué par chaque zone de notre cerveau dans le traumatisme. Pour aujourd’hui, notons que c’est le cerveau instinctuel qui est le déclencheur.

Pour vous expliquer le mécanisme biologique du traumatisme, je vous propose une petite incursion dans le règne animal, règne dont nous faisons partie même si nous tendons souvent à l’oublier. Prenons l’exemple d’un groupe d’antilopes qui broutent dans la savane africaine. Tôt ou tard, un guépard affamé va tenter une attaque. Dès qu’elles perçoivent l’approche du félin, les antilopes fuient immédiatement. Cependant, le guépard a choisi une antilope comme proie. Il la poursuit à une vitesse de 130 km/h jusqu’à l’attraper, à moins que l’antilope ne parvienne à lui échapper. Si le guépard réussit à attraper l’antilope, celle-ci tente de lutter à coups de sabots et de cornes. Mais une fois que le guépard la tient fermement, sa proie s’immobilise et s’abandonne dans un figement involontaire. Ces trois comportements que sont la fuite, la lutte et le figement sont tous gouvernés par le système nerveux archaïque instinctuel. Ce sont les trois stratégies universelles de survie que nous pratiquons, nous les humains, au même titre que les animaux. Évidemment, nous sommes des êtres plus complexes que des antilopes. Par conséquent, nos comportements de fuite, de lutte et de figement peuvent parfois prendre des formes plus sophistiquées qui ne ressemblent pas, à première vue, à des réactions de survie. Il n’en reste pas moins que notre système nerveux est programmé pour activer de manière inconsciente et systématique ces stratégies. J’aborderai ce sujet plus en détail dans un prochain article. Pour l’instant, je voudrais simplement souligner que le figement survient lorsque les deux autres stratégies -fuite et lutte- sont impossibles ou vaines. Le figement présente plusieurs avantages :

  • Il simule un état de mort qui provoque parfois le désintérêt du prédateur ou fait baisser sa garde, de sorte que la fuite redevient possible. Certains animaux comme l’opossum vont même jusqu’à sécréter une odeur nauséabonde qui déguise le figement en état de mort avec putréfaction avancée. Or, la plupart des prédateurs ne mangent que des proies fraîchement tuées et ne sont pas intéressés par les charognes. Dès que le prédateur se détourne, l’opossum sauve sa peau !
  • L’immobilité permet à certains animaux de se soustraire à l’attention du prédateur. En effet, certains prédateurs voient très bien des corps en mouvement mais ne perçoivent pas ceux qui sont immobiles. Observez un chat qui joue avec une souris. Dès qu’elle s’immobilise, le chat arrête de jouer. Si la souris reste immobile assez longtemps, le chat finit par se détourner et sa proie a la vie sauve.
  • Le figement s’accompagne de sécrétion d’endorphines qui empêchent de sentir la douleur, ce qui est fort appréciable lorsqu’on est sur le point d’être dévoré.

Donc le figement, loin d’être un signe de faiblesse ou une aberration de la nature, est en fait une formidable fonction adaptative qui permet dans le meilleur des cas d’avoir la vie sauve et dans le pire des cas, de mourir sans souffrance. Il est très important de comprendre que le figement est un état bien différent de l’immobilité ordinaire. Ce n’est pas un état de relaxation ou d’insouciance face au danger. Dans le figement, l’état interne de l’animal est une hyperactivation orientée vers une stratégie de survie active (fuite ou lutte). Parce que l’action est impossible, voire périlleuse, le système nerveux commande le figement. Il en résulte un état de tension extrême entre ces deux états paradoxaux. Comme lorsque vous appuyez à fond sur l’accélérateur et sur le frein de votre voiture en même temps : le moteur est en sur-régime et les freins sont sollicités au maximum. L’immobilité de la voiture est alors due à deux fortes tensions qui agissent en sens opposés et qui s’annulent mutuellement. C’est pareil pour un animal qui fige. Son système nerveux commande à la fois une mobilisation maximale vers la fuite ou la lutte et un effort énorme pour inhiber cette action. Si l’animal survit au trauma, il se produit quelque chose de très particulier, qui passe pourtant souvent inaperçu : au moment où il sort de son état de figement, l’animal évacue l’énergie accumulée de diverses façons possibles : course, sauts, secousses, spasmes. C’est un processus naturel que les éthologues connaissent bien. Au niveau physiologique, cette étape revêt une importance capitale parce qu’elle permet d’évacuer efficacement la tension nerveuse d’hyperactivation. Ceci ramène le système instinctuel de survie au neutre. L’alerte est finie et la vie reprend son cours naturel. C’est ainsi que les animaux sauvages vivent de nombreux traumas sans jamais développer de traumatismes. Par contre, les animaux domestiqués ou captifs développent souvent un traumatisme quand le processus physiologique de sortie du trauma est empêché par l’interférence humaine.

Nous les humains, possédons un système nerveux instinctuel tout à fait semblable à celui des autres animaux. Lorsque nous sommes confrontés à un danger réel ou imaginaire, notre système nerveux enclenche une réaction de survie qui est indépendante de notre volonté et de notre conscience. Nous sommes très certainement capables de reconnaître l’état d‘hyperactivation qui est enclenché dans des situations stressantes : accélération du rythme cardiaque et respiratoire, tension, agitation, besoin de bouger, hypervigilance (le fait d’être sur ses gardes). Ces modifications physiologiques nous préparent à orienter notre attention et nos comportements vers une action efficace. Lorsque l’hyperactivation est canalisée adéquatement et que nous surmontons le danger, notre système nerveux revient au neutre et nous ne souffrons pas de traumatisme. Le trauma est alors vécu comme une épreuve surmontée efficacement. Il devient une source d’apprentissage, d’accomplissement et de croissance personnelle. Par contre, si l’hyperactivation ne peut pas être utilisée dans une stratégie efficace de réponse au trauma, soit nous allons figer, soit nous allons nous agiter davantage dans un sentiment de danger persistant. Dans les deux cas, le signal d’alerte interne est maintenu. Si nous n’évacuons pas l’énergie d’activation, celle-ci nourrit l’état d’alerte qui s’auto-entretient. La tension persiste même si notre cerveau conscient a enregistré la fin du danger, parce que c’est notre cerveau inconscient qui entretient l’état de stress. Lorsque ce scénario se produit, le cercle vicieux du traumatisme et ses symptômes apparaissent.

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Claire Relience - Somato-psychopédagogue, Auteure & thérapeute holistique en cabinet et en ligne
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